Drôle de titre pour ce nouvel opus du Bureau de Vérification des Faits. Si vous avez tendu une oreille ce matin sur les antennes de France Inter, franceinfo, ou même une autre radio généraliste, vous avez probablement entendu les résultats d’une enquête menée par le syndicat soi-disant apolitique La FAGE (acronyme de Fédération Associative Générale Etudiante), qui a raflé la première place en termes du nombre d’élu.e.s universitaires à l’UNEF.
Cette enquête, dont l’entièreté est visible chez nos confrères de franceinfo en cliquant ici, montre que 80% des jeunes citoyen.ne.s souhaitent se rendre dans les urnes en avril prochain. Citant ainsi quelques souhaits des jeunes, tels que le pouvoir d’achat, ce sondage s’inscrit ainsi dans une stratégie du syndicat de garder de la crédibilité face aux jeunes qui votent guère pour leurs représentant.e.s à l’Université.
Depuis le début du quinquénat d’Emmanuel Macron, la FAGE ne s’est jamais réellement offusqué du traitement calamiteux des étudiant.e.s, avec une ministre aux abonnés absents, des mesures de soutien lors des confinements qui n’ont pas même sauvé les meubles ou niant ainsi les accusations de collusion pouvoir/syndicat venant d’autres listes. La catégorie Presse du site internet du syndicat le prouve : ainsi, bien qu’en surface, la FAGE semble défendre les jeunes, il n’y a pas de réel camouflet envers l’éxécutif depuis 2016/2017, année d’élection d’Emmanuel Macron -qui d’ailleurs, à l’heure où nous écrivons ces lignes, ne s’est toujours pas déclaré candidat à sa réélection-.
Toujours encline à être bien vu par le pouvoir, ce syndicat autre fois a-partisan et a-politique s’est même vendue au Service Civique, dans une tribune du très libéral quotidien L’Opinion, aux côtés d’associations ou corporations usant et abusant du Volontariat en Service Civique, comme Zup-de-Co, UnisCité ou la Ligue de l’Enseignement.
Venons en aux faits : malgré des réformes calamiteuses (et reconnues comme telles par les enseignants et directions d’Universités), les différentes listes académiques soutenues par la FAGE (comme l’AGATE à Tours, ancienne terre estudiantine non politisée) ont toutes soutenu et dynamisé ces dites réformes, qu’il s’agisse de Parcours-Sup, la sélection à l’entrée à l’Université ou toutes les questions de fusions de campus/facs.
Comme de nombreuses corporations étudiantes, la FAGE sert de passerelle pour des ambitions politiques, comme l’explique cet article (accessible aux abonné.e.s) du Monde : « On acquiert un cerveau plastique », y déclarait Alexandre Leroy, président de la FAGE de 2014 à 2016.
Bien que la FAGE se présente comme a-partisane ou a-politique, moult ex-cadres de la corporation entretiennent des rapports favorables avec la nébuleuse macroniste. Des fuites provenant des courriels internes du parti présidentiel durant la campagne de 2017 ont démontré une connivence certaine entre l’équipe du candidat Macron et la présidence FAGEiste, comme Jean-Baptiste Mougel, ex-président, désormais proche du cercle présidentiel, qui a tenté d’influencer l’équipe de l’ex-ministre de l’économie pour décrocher une entrevue avec le président Jimmy Losfeld. Notre consoeur de Libération, Pauline Moullot, expliquait par ailleurs dans cet article que : « Jean-Bapstiste Mougel, ancien président de la Fage de 2001 à 2003 et auteur de plusieurs notes sur l’enseignement supérieur pour l’équipe d’Emmanuel Macron a ainsi tenté d’organiser à plusieurs reprises une rencontre entre le président du syndicat étudiant et le candidat à la présidentielle. »
Et, quelque chose de révélateur s’est distingué de cet échange révélé par Wikileaks, signé du responsable LREM du volet Enseignement Supérieur, Thierry Coulhon : « c’est important : on s’en félicitera au moment où on aura besoin d’eux pour passer les réformes. ». Par la suite, toujours suite à une sortie de mail toujours signée WikiLeaks, on apprend que Jimmy Losfeld est du côté des réformes macronistes : « ils ne “polémiqueront” pas pendant la présidentielle, et pourront même allumer des “contre-feux” si une opposition se faisait entendre ». Depuis, M. Losfeld a quitté les arcades étudiantes, mais son compte Twitter est une jolie tribune qui ne laisse guère de doute quant à ses amitiés politiques.
Notons par ailleurs que Monsieur Coulhon participait (avec Mathieu Bock-Côté, un sociologue québecois nationaliste et chroniqueur sur CNews…) il y a quelques semaines, à un colloque organisé à la Sorbonne qui visait à accuser les approches théoriques qui prennent « l’oppression comme grille exclusive d’analyse du réel », qui s’oppose à « la pensée dite woke » et la « cancel culture », ainsi qu’aux études sur le genre… Colloqué conspué par soixante-quatorze universitaires reconnus.
Même cas de figure pour Quentin Spooner, ancien numéro 4 du syndicat -à l’époque où son président se nommait Alexandre Leroy et le numéro 2 étant Jimmy Losfeld-, qui affiche clairement la couleur également :
Enfin, toujours pour caresser la Macronie dans le sens du poil, l’organisation étudiante a lancé une sorte de sondage durant les mouvements de défense de l’Université, avant la pandémie de la Covid-19. Il y aurait eu plus de 10000 votes (sans tracabilité ?), dont 74% d’entre-eux soutiendraient la réforme menée par les ministres Vidal et Blanquer et seraient également opposés aux différents bloquages d’universités (souvenons nous des votes sur le blocus aux Tanneurs à Tours, dans une ambiance anarchique, où les élu.e.s étaient conspué.e.s, des militants blessés par des néo-facistes, des locaux dégradés et des tensions palpables entre étudiant.e.s). Le syndicat parlait, concernant les blocus, d’une « minorité radicale », propos qui furent rapidement repris par certains médias en manque de drama.
Tout n’est pas cependant pro-Macron à la FAGE, comme ce tweet récent, toujours présent sur le compte de la corpo, indiquant qu’iels seront « toujours » opposés à une réforme qu’iels soutenaient auparavant…
Pour la petite anecdote, la FAGE est une association de droit alsacien-mosellan, qui offre plus d’avantages et de libertés, alors que la corporation eut des bases lyonnaises puis fut réellement fondée à Paris…
Tout n’est pas forcément noir ou blanc à la FAGE, certains des cadres de cette corporation ont pris la route du Parti Socialiste, Action contre la Faim ou de Chambres de Commerce et d’Industrie (deux salles, deux ambiances, certes), mais il est important de savoir pour qui l’on vote, et surtout, toutes les nébuleuses possibles…
A venir dans quelques semaines sur le site de Radio Antigone, une enquête concernant un cadre tourangeau de la FAGE/AGATE, avec des révélations sur des accusations de harcèlement moral, sexuel, et usurpation d’identité, avec des informations exclusives.